lundi 30 mai 2022

Féministe

Lorsque je regarde tous les retraités qui m’entourent, les hommes, les femmes, je suis bien certaine que nombreuses ne touchent pas de retraite ou peu. Faisaient-elle parties des féministes ?

Un gros mot, ou presque. Lorsque Alexandre Dumas fils emploie pour la première fois, en 1872, le terme «féministe», c’est dans un pamphlet, afin de ridiculiser les hommes qui souhaitent donner plus de pouvoir aux femmes. Il faut attendre une dizaine d’années, et son appropriation par la journaliste Hubertine Auclert, pour que le mot se réfère à un mouvement pour l’égalité entre hommes et femmes. Mais les idées ont précédé le vocabulaire.

Retour en arrière : à la Révolution française souffle un vent d’universalisme qui donne des idées à certaines. Puisque «les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits», selon la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, comment expliquer que certains êtres, du fait de leur sexe ou de leur catégorie sociale, ne jouissent pas de cette égalité ? C’est ce paradoxe que pointe, en 1791, la femme de lettres Olympe de Gouges, en publiant la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne. «La femme a le droit de monter à l’échafaud, elle doit également avoir celui de monter à la tribune», prône l’article 10. Les revendications concernent alors les droits civiques, l’éducation, l’accès au travail...

Mais l’avènement de l’Empire douche les espoirs de ces révolutionnaires. «Le code Civil, en 1804, fait de la femme une mineure, sous la domination de son mari», résume Bibia Pavard, maîtresse de conférences en histoire à l’université Panthéon-Assas et coauteure de Luttes de femmes : 100 ans d’affiches féministes. Les idées féministes se font plus discrètes, affleurant parfois en filigrane dans la presse. «Des magazines féminins vont contrer la censure en publiant, entre deux historiettes morales ou sujets frivoles, un compte rendu de procès de violence conjugale, où le mari n’est pas condamné, ou un encart sur Mary Wollstonecraft, pionnière du féminisme en Angleterre, détaille Caroline Fayolle, maîtresse de conférences à l’université de Montpellier et auteure du livre Le Féminisme. D’autres publications font plus clairement de la résistance, comme L’Athénée des dames, qui contient un manifeste pour l’égalité des sexes. S'inspirant des utopies socialistes, quelques expériences contestataires, dans les années 1830, envisagent une égalité élargie en matière de droits civiques. «Elles prônent l’abolition des systèmes d’exploitation de l’homme par l’homme, pas seulement des hommes sur les femmes mais aussi, par exemple, des riches sur les pauvres», précise Caroline Fayolle. Dans ce cadre se forme la communauté mixte de Ménilmontant – quelques dizaines de personnes cohabitant selon les théories de Saint-Simon, avec l’idée de libérer la femme du carcan du mariage. Les Saint-Simoniennes y expérimentent une vie sexuelle et des enfants hors union. Mais l’utopie périclite après trois ans.

Nouvel appel d’air avec la révolution de février 1848, qui crée un moment d’espoir généralisé, rapidement déçu. Non seulement la IIe République ne confère pas le droit de vote aux femmes, mais les révoltes ouvrières de juin sont durement réprimées. Une double trahison pour les femmes proches du socialisme qui ont participé au mouvement. Estimant que leur émancipation ne viendra pas de la République, elles préfèrent dès lors s’organiser au sein d’associations de travailleurs.

La fin du 19e siècle et la création de la IIIe République changent la donne : ce qui n’était jusqu’à maintenant que le combat d’une poignée de personnalités devient un mouvement massif. Progressivement, sur le modèle des suffragettes anglaises, des associations d’envergure se montent, recrutant des milliers d’adhérentes et faisant émerger des figures comme Hubertine Auclert, qui anime le journal La Citoyenne. La question enflammant le débat public est celui du droit de vote, et les féministes rivalisent de créativité pour la relayer, usant parfois de coups d’éclat comme la grève de l’impôt ou le cassage d’urnes. «Il y a déjà l’idée de médiatiser et de mener une forme de lobbying auprès des politiciens», fait remarquer Bibia Pavard.

En parallèle aux associations de femmes républicaines et laïques s’organisent des groupes de femmes catholiques. «Celles-ci réclament aussi le droit de vote, arguant que les femmes sont porteuses de valeurs spécifiques, bonnes pour la société et susceptibles de moraliser la vie politique, souligne Caroline Fayolle. Il y a cette opposition entre les féministes universalistes, pour lesquelles les deux sexes sont égaux, et les différentialistes, qui érigent les différences entre les sexes en complémentarité.» Las, la Première Guerre mondiale signe le coup d’arrêt de cette mobilisation : les féministes se rallient à l’Union sacrée, mouvement de solidarité des Français contre l’oppresseur, que le président de la République, Raymond Poincaré, appelle de ses vœux le 4 août 1914.

Au sortir du conflit, c’est à nouveau la déception : alors que de nombreux pays européens octroient le droit de vote aux femmes en 1918 ou en 1919, la France botte en touche, plusieurs propositions de loi étant rejetées par le Sénat. En cause, l’alliance paradoxale des conservateurs et des républicains laïcs. «Les premiers redoutent une destruction de la cellule familiale, un danger pour la stabilité de la société. Les seconds pensent, eux, que le vote féminin sera nécessairement conservateur, du fait de l’éducation religieuse des femmes», décrypte Bibia Pavard. Le droit de vote est finalement obtenu en 1944, lors de la Seconde Guerre mondiale. Une réflexion plus globale sur la place des femmes dans la société s’amorce alors, incarnée dans l’essai de Simone de Beauvoir, Le Deuxième Sexe, publié en 1949. Pour la philosophe, qui exclut tout déterminisme, «on ne naît pas femme, on le devient».

Une nouvelle cause émerge dans les années 1950, celle du contrôle des naissances, portée par La Maternité heureuse. L’association, qui deviendra Le Mouvement français pour le planning familial, explique presque clandestinement à ses adhérentes, à travers des publications et des conférences, comment maîtriser sa sexualité pour éviter les grossesses... Fin 1967, l’Assemblée nationale adopte enfin la loi autorisant la contraception. Dans le sillage de mai 1968, des groupes non mixtes voient le jour. La rencontre de ces mouvements disparates, imprégnés des idées de gauche et d’extrême gauche, entraîne la création, en 1970, du Mouvement de libération des femmes (MLF) qui revendique la libre disposition du corps des femmes. Parmi les combats du MLF : les violences sexistes, le droit à l’avortement, la remise en question de la société patriarcale... Outre des manifestations et son journal Le Torchon brûle, le MLF mise sur de nouveaux modes d’action spectaculaires. Premier fait d’armes ? Déposer une gerbe sous l’Arc de triomphe... à la femme du soldat inconnu. Même volonté d’interpeller l’opinion publique avec «le manifeste des 343», publié le 5 avril 1971, dans Le Nouvel Observateur, dont les signataires, pour certaines célèbres, déclarent publiquement avoir eu recours à l’avortement. Autre levier mis en œuvre : la politisation de certains procès. À Bobigny, en 1972, l’avocate Gisèle Halimi plaide le cas d’une jeune fille ayant avorté illégalement à la suite d’un viol. Six ans plus tard, à Aix-en-Provence, elle défend deux homosexuelles, battues et violées par un groupe d’hommes alors qu’elles faisaient du naturisme.

«Une femme libre est exactement le contraire d'une femme légère." "N'oubliez jamais qu'il suffira d'une crise politique, économique ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question. Ces droits ne sont jamais acquis. Vous devrez rester vigilantes votre vie durant.»

Simone de Beauvoir (1908-1986, philosophe, romancière, mémorialiste et essayiste française.

Merci à nos aïeules de nous avoir défendues ! Gardons notre indépendance...


Je continue ma lecture, Phil commence un nouveau thriller
qui lui semble une légère copie sur le film "La ligne verte" de Franck Darabont

À demain, pour de nouvelles aventures et découvertes !

1 commentaire:

  1. Ton article me fait penser à l'encyclopédie les 100 grandes femmes de l'histoire.
    Un article a été rédigé sur ce livre par une classe de l'école élémentaire pour le journal des écoles ( journal rue des chênes)
    Des portraits choisis et résumés pour donner envie de lire, découvrir,...

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