La
nuit du 8 au 9 janvier 2020, alors que nous étions restés dormir
sur le parking près du centre commercial, j'avais passé une nuit
blanche. Le bruit était assourdissant : entre celui des trains
passant sur la voie de chemin de fer, certainement proche, le moteur
des camions, celui des camping-cars prenant la route. Peut-être,
aussi, avais-je peur de ne pas me réveiller ? Pourtant, nous
avions le temps puisque nous allions embarquer à 11 heures. À 9
heures 30, nous étions sur le quai d'embarquement. Des dizaines et
des dizaines de camping-cars attendaient à touche-touche
l'autorisation de franchir la ligne face au quai.
Un hélicoptère, à
basse altitude, survolait les parkings. Étions-nous surveillés ?
Un agent de la compagnie passait entre les véhicules, relevait les
numéros d'immatriculation et prenait tous les passeports pour gagner
un peu de temps. Il y avait tellement de touristes, plus que l'année
précédente, il paraissait. Je m'inquiétais, car le temps
s'écoulait et nos passeports ne revenaient toujours pas. Juste le
temps d'y penser et l'agent revenait en remettant chaque passeport à
chaque personne concernée qui devait être devant son véhicule. Un
navire accostait. De nombreux touristes, tout près du bord du quai,
immortalisaient en le photographiant pour certains, en le filmant
pour d'autres. Lorsque le mastodonte s'était approché, j'avais
l'impression que le godet d'un énorme tractopelle s'ouvrait,
l'immense porte actionnée par d'énormes vérins couinant descendait
dans un bruit assourdissant de ferraille. Du pont, grand ouvert, se
déversaient des camions, puis des automobiles. Autant qu'ils en
monteraient, vu la file d'attente.
Le
cône devant le premier véhicule a été enlevé par un agent
portuaire, les moteurs vrombissaient, les chauffeurs de camions
manœuvraient pour entrer dans la gueule du géant en marche arrière.
Nous roulions en file indienne, c'est que lorsque tous les gros
véhicules ont été rangés et moteurs coupés, qu'une rampe
remontait. Une ouverte géante était face à moi. C'était par cette
obliquité vertigineuse que nous allions descendre avec le
camping-car dans le second sous-sol du colosse.
Une
fois garés, nous devions descendre du véhicule pour grimper,
grimper, et encore grimper plusieurs volées d'escaliers abruptes.
Et, nous attendions très longuement. Nous devions partir à 11
heures. À plus de midi nous étions encore à quai sans connaître
le motif. Nous apprenions, enfin, qu'un camping-car était en panne
de démarreur en plein milieu de la rampe d'accès. Sincèrement, je
plaignais le chauffeur.
J'entendais
le vrombissement du moteur du bateau, j'étais légèrement
brimbalée. Nous quittions le quai, je m'éloignais de la belle côte
espagnole. Je m'éloignais de l'Europe en passant y revenir courant
mars prochain.
Vers 13 h 30, la côte africaine était en vue. Le
commandant du vaisseau manœuvrait pour entrer au port. J'entendais
les grincements des portes. J'imaginais sans peine la gueule du godet
s'entrouvrir. Un léger choc me déséquilibrait lorsque le pont a
frappé le quai marocain.
Nous
dévalions les escaliers à vive-allure, les chauffeurs de camions
avaient déjà tourné la clef de contact. Nous devions attendre que
tous ces lourds véhicules soient sur la terre ferme. Notre tour
suivrait, mais pas tout de suite, en ce qui me concernait, compte
tenu, de l'emplacement où nous étions garés (dans l'angle, entre
la rampe de sortie et la cloison, juste à côté de l'ouverture). Il
nous fallait attendre...
Je
n'étais pas fière lorsque Phil conduisait notre camping-car sur la
rampe, presque verticale, qui nous emmenait vers le ciel. Le soleil
m'éblouissait dès que nous étions sur le parking. Et comme l'année
précédente : contrôle de passeports, édition d'une carte
grise nous autorisant à rouler sur le territoire marocain, douane,
police.... Toutefois, cette année, les contrôles étaient plus
rapide, nous étions si nombreux ! Il en n'était pas de même
pour les véhicules de touristes chargés sur le toit outre mesure.
Comme je l'avais déjà décrit dans mon précédent livre, tout le
matériel indescriptible était étalé sur le sol. C'était vraiment
impressionnant ce que les marocains ramènent dans leur pays.
Phil
et moi sommes passés au guichet de change. Le monsieur était très
sympathique, non seulement il n'y avait pas de frais commission, mais
en plus, il nous offrait des bonbons !
Il
était déjà 15 heures, nous avons grignoté sur le parking avant de
prendre la route en direction d'Asilah par l'autoroute. Je me
souvenais trop que les routes secondaires étaient en très mauvais
états.
À
Asilah, dans ce joli village bleu que nous avons traversé, je me
reconnaissais. Tout au bout du boulevard, tout près de la jetée, 2
campings se touchaient. Nous nous sommes arrêtés au second :
le camping Assaada. D'après le guide Gandini, c'est le mieux des
deux !
Mais
ce camping était complet, nous avons trouvé, tout de même, une
place près de l'entrée, le long du mur des bungalows à louer. Cela
me convenait car nous n'avions pas la promiscuité des autres et je
captais très bien la wifi.
Une
fois installée, nous avons été vers la boutique Maroc Télécom
qui se situe presque en face. Ouille, il y avait un monde !
Pourtant je devais prendre patience et attendre plus de 2 heures. Je
soufflais un peu lorsqu'un couple d'italiens entrait, il semblait
pour la seconde fois, pour demander des explications, en passant
devant tout le monde. Mais, comme les autres touristes, je ne disais
rien : nous n'étions pas en France ! Chez moi, j'étais
certaine qu'ils seraient fait jeter dehors.
Nous
étions en place, j'avais le code wifi du camping et la carte sim
marocaine dans le téléphone. Nous étions parés pour l'aventure.
Aventure que vous avez suivi jusqu'à aujourd'hui.
Que
choisir a répondu à mon courrier et m'indique que la compagnie
maritime suit les directives du gouvernement du Maroc qui n'autorise
pas le transport de passagers et ce jusqu'au 31 mai. Tant qu'à
l'attitude de la compagnie GNV, l'association "Que choisir"
me conseille d'envoyer la même réclamation au consulat d'Italie à
Casablanca, ce que je vais m'empresser de faire. J'ai bien retenu la
date du 31 mai, mais ce n'est pas pour cela que les navigations vers
Algéciras reprendront car l'Espagne a dit qu'elle fermait ses
frontières jusqu'à l'automne !
Je
viens de regarder le discours du premier Ministre et des ministres
l'entourant. La France va commencer, lentement, son dé-confinement
le 11 mai. Nous espérons que nous pourrons regagner notre domicile
sans trop de difficulté, avec une attestation spéciale... Déjà il
faudra que le bateau soit au rendez-vous le 13 juin à Tanger !
"Heureux le
voyageur que sa ville chérie
Voit
rentrer dans le port, aux premiers feux du jour !
Qui
salue à la fois le ciel et la patrie,
La
vie et le bonheur, le soleil et l’amour !
— Regardez,
compagnons, un navire s’avance.
La
mer, qui l’emporta, le rapporte en cadence,
En
écumant sous lui, comme un hardi coursier,
Qui,
tout en se cabrant, sent son vieux cavalier.
Salut
! qui que tu sois, toi dont la blanche voile
De
ce large horizon accourt en palpitant !
Heureux
! quand tu reviens, si ton errante étoile
T’a
fait aimer la rive ! heureux si l’on t’attend !
D’où
viens-tu, beau navire ? à quel lointain rivage,
Léviathan
superbe, as-tu lavé tes flancs ?
Es-tu
blessé, guerrier ? Viens-tu d’un long voyage ?
C’est
une chose à voir, quand tout un équipage,
Monté
jeune à la mer, revient en cheveux blancs.
Es-tu
riche ? viens-tu de l’Inde ou du Mexique ?
Ta
quille est-elle lourde, ou si les vents du nord
T’ont
pris, pour ta rançon, le poids de ton trésor ?
As-tu
bravé la foudre et passé le tropique ?
T’es-tu,
pendant deux ans, promené sur la mort,
Couvrant
d’un œil hagard ta boussole tremblante,
Pour
qu’une Européenne, une pâle indolente,
Puisse
embaumer son bain des parfums du sérail
Et
froisser dans la valse un collier de corail ?
Comme
le cœur bondit quand la terre natale,
Au
moment du retour, commence à s’approcher,
Et
du vaste Océan sort avec son clocher !
Et
quel tourment divin dans ce court intervalle,
Où
l’on sent qu’elle arrive et qu’on va la toucher !
Ô
patrie ! ô patrie ! ineffable mystère !
Mot
sublime et terrible ! inconcevable amour !
L’homme
n’est-il donc né que pour un coin de terre,
Pour
y bâtir son nid, et pour y vivre un jour ?"
Le
Havre, septembre 1855.
Alfred
de Musset, Œuvres posthumes, 1888
Le
nombre d'infection au coronavirus augmente de 5.382 à 5.505 en 24
heures. L'écart entre le nombre de décès qui passe de 182 à 183 et celui de personnes guéries passées de 1.969 à 2.124 se
creuse toujours.
Aujourd'hui,
il fait encore chaud, nous avons pu emprunter un appareil de
climatisation. Le thermomètre affiche :
À l'abri, à l'heure marocaine (heure du soleil) |
Au soleil |
Prenez soin de vous.
À demain pour la suite
de l'aventure !
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